L’archipel d’une autre vie
- Andrei Makine
- Roman
Le résumé
Aux confins de l’Extrême-Orient russe, dans le souffle du Pacifique, s’étendent des terres qui paraissent échapper à l’Histoire…
Qui est donc ce criminel aux multiples visages, que Pavel Gartsev et ses compagnons doivent capturer à travers l’immensité de la taïga ?
C’est l’aventure de cette longue chasse à l’homme qui nous est contée dans ce puissant roman d’exploration. C’est aussi un dialogue hors du commun, presque hors du monde, entre le soldat épuisé et la proie mystérieuse qu’il poursuit. Lorsque Pavel connaîtra la véritable identité du fugitif, sa vie en sera bouleversée.
La chasse prend une dimension exaltante, tandis qu’à l’horizon émerge l’archipel des Chantars : là où une « autre vie » devient possible, dans la fragile éternité de l’amour.
La critique du Chat Botté
L’avis de Martine :
Deux éléments narratifs, palettes de couleurs habituelle de Makine, inaugurent ce roman russe : le premier est une approche, au début des années 50, de l’âme et de l’homme russes, des pratiques réservées notamment aux orphelins, devenus jeunes adolescents, envoyés dans des camps de formation. L’autre est la technique particulière du récit dans le récit, qu’on retrouvait déjà dans La Musique d’une vie. Dans L’archipel, le narrateur, Pavel – puisqu’il s’agit d’un récit à la première personne – se retrouve par les détours du hasard, non loin de la Mer d’Okhotsk, sur les traces d’un énigmatique individu, qu’il se met à suivre à travers ce paysage si particulier des confins de la Russie, près du Pacifique. Le nœud du récit, éclairant pour chaque lecteur, est je crois l’idée de carrefour, de choix, de chemin à suivre, dans ce cas-ci, littéralement, puisqu’il s’agit d’une marche et d’un guet dans un paysage de taïga sauvage et nordique. En route vers un archipel mythique pourtant, celui des Chantars : « À cet instant de ma jeunesse, le verbe « vivre » a changé de sens. Il exprimait désormais le destin de ceux qui avaient réussi à atteindre la mer des Chantars ». Le récit est palpitant et haletant, parce que fugitif, l’homme que guette Pavel s’avère être un évadé. Le lecteur ressent la marche à travers les herbes folles et sauvages, la crainte et la fascination mêlées, et se surprend à respirer à l’aune du marcheur. Les personnages qui peuplent la taïga ou les campements ou les cafés sont eux aussi hauts en couleurs, bien que la solitude soit vraiment l’apanage de Pavel, en marche vers l’autre, qu’il suit, essaie de capturer, ne serait-ce que par le regard, mais aussi en chemin vers lui-même, dans une infinie solitude, qui résonne dans le haut ciel russe. Ecriture magnifique, dont l’écho résonne en nous, lecteur qui vivons si loin de ces espaces : le lien se tisse entre l’âme et le souffle du narrateur, et les nôtres…
Paru le 18 août 2016
Prix : 18€
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