La pouponnière d’Himmler
- Caroline De Mulder
- auteur belge
- Auteur francophone
- Drame
- Féministe
- guerre
- Historique
- noir
- Roman
Le résumé
Heim Hochland, en Bavière, 1944. Dans la première maternité nazie, les rumeurs de la guerre arrivent à peine ; tout est fait pour offrir aux nouveau-nés de l’ordre SS et à leurs mères « de sang pur » un cadre harmonieux.
La jeune Renée, une Française abandonnée des siens après s’être éprise d’un soldat allemand, trouve là un refuge dans l’attente d’une naissance non désirée. Helga, infirmière modèle chargée de veiller sur les femmes enceintes et les nourrissons, voit défiler des pensionnaires aux destins parfois tragiques et des enfants évincés lorsqu’ils ne correspondent pas aux critères exigés : face à cette cruauté, ses certitudes quelquefois vacillent.
Alors que les Alliés se rapprochent, l’organisation bien réglée des foyers Lebensborn se détraque, et l’abri devient piège. Que deviendront-ils lorsque les soldats américains arriveront jusqu’à eux ? Et quel choix leur restera-t-il ?
Reconstituant dans sa réalité historique ce gynécée inquiétant, ce roman propose une immersion dans un des Lebensborn patronnés par Himmler, visant à développer la race aryenne et à fabriquer les futurs seigneurs de guerre. Une plongée saisissante dans l’Allemagne nazie envisagée du point de vue des femmes.
La critique du Chat Botté
L’avis de Sophie :
J’ai tout de suite été intriguée par « La pouponnière d’Himmler ». D’abord parce que tout ce qui a attrait à la Seconde Guerre mondiale m’intéresse, notamment de par mes études en Histoire, et surtout parce que l’auteure, Caroline De Mulder, a été dans ce cadre l’une de mes professeures! J’étais donc curieuse de retrouver son écriture , qui plus est cette fois, au service d’une thématique historique passionnante : les Lebensborn (*).
Et ma curiosité a été pleinement et positivement satisfaite! « La pouponnière d’Himmler » est un roman choral à trois voix, ce qui assure relief et rythme au roman. Entremêlant les récits d’une jeune Française enceinte, d’une infirmière allemande et d’un déporté polonais, Caroline De Mulder reconstitue et nous donne accès à (presque) toutes les facettes de la politique eugéniste des Nazis. Ou comment vouloir codifier la vie, et la maternité qui en est à la source, ne peut aboutir qu’à une violence institutionnalisée.
Ce roman trouve d’ailleurs un écho actuel dans cette question de la « maternité parfaite » (ici poussée à l’extrême tant sur le plan idéologique, que sanitaire et médicale), de la culpabilité et des injonctions qui peuvent peser sur les femmes quant à la manière dont elles mènent leur grossesse, etc. Je pense par exemple à ce passage du roman où une des mères énerve une infirmière qui décide « en représailles » de notifier dans son rapport une prise de poids excessive pour la desservir.
« La pouponnière d’Himmler » réussit le tour d’être à la fois instructif (notamment grâce au personnage de l’infirmière, qui permet d’appréhender la machine administrative des Lebensborns), sans perdre de vue la dimension poignante et saisissante de ces mères et enfants. Car outre les dysfonctionnements inhérents à la structure même des Lebensborn (désert affectif, retard mental et moteur possible du à cet « élevage en batterie », etc.) et au destin des mères parfois tragiques après avoir rempli leur office, la progression des Alliés et l’imminence de leur arrivée, paradoxalement, entrainent une véritable dégradation des conditions de vie des enfants concernés, bien loin de l’image des poupons choyés, gras et dodus de la propagande qui les stigmatiseront d’ailleurs par la suite.
L’écriture est hachée, précise, plutôt dépouillée, finit de faire de ce roman un texte douloureux mais sans pathos superflu… Je conseille vivement!
Pour poursuivre, sans tomber dans l’étude historique,
-le roman graphique « Lebensborn », d’Isabelle Maroger aux éditions Bayard Graphic (22.10€, paru au 17 janvier dernier)
-l’épisode « Née dans un Lebensborn » avec Gisèle et son histoire d’enfance longtemps restée secrète, de la série de podcasts « Les Pieds sur Terre » de Sonia Kronlund pour France Culture (à retrouver, par exemple, sur la plateforme d’écoute Spotify),
(*) « Fontaines/sources de vie », maternités nazies créées en 1935, destinées à élever la future élite aryenne, racialement pure, du IIIe Reich et placées sous le patronage d’Himmler.
Parution le 7 Mars 2024
Prix: 21.50€
Les commentaires